Mandement Carême 2015 - ARCHIDIOCESE DE CONAKRY - UNREGISTERED VERSION

Aller au contenu

Menu principal :

Mandement Carême 2015

LETTRES > Pastorales



MANDEMENT DE CARÊME 2015
« Ne vous lassez pas de faire le bien » (1Th 3,13)



Bien Chers Frères et Sœurs,
Bien Chers Diocésains,
Voici venu le temps de Carême. Nous devons affronter ce temps de grâce « avec l’esprit nouveau de celui qui a trouvé en Jésus et dans son mystère pascal le sens de la vie, et qui sent que désormais tout doit se référer à Lui. » (Benoît XVI, Angélus, 26 février 2006). Une telle attitude a conduit Saint Paul à dire qu’il a tout quitté afin de connaître le Christ, « la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter  d’entre les morts » (ph 3,10-11).
Comme les années précédentes, le temps de carême est pour moi l’heureuse occasion de vous encourager à pratiquer la vraie religion et à faire de nouveaux efforts en vue d’éviter de vous limiter à adorer Dieu du bout des lèvres. Ainsi, nous ne mériterons pas un seul jour de notre vie, ce reproche du Seigneur : "Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi" (Mt 15,8 ; cf. Is 29,13).
Mon exhortation de cette année porte essentiellement sur l’auto-prise en charge, l’année de la vie consacrée et la famille, en vue d’une fructueuse marche de carême à la suite du Christ.
I - L’Auto-prise en charge.
Nous avons débuté l’année pastorale 2014-2015 par une réflexion sur l’auto-prise en charge dans les différents domaines de notre vie. Je voudrais pousser plus loin cette réflexion pendant ce temps de grâce que nous donne le Seigneur.
L’auto-prise en charge n’est pas seulement une question d’économie. Elle est le premier devoir de celui qui ne veut pas vivre continuellement dans l’esclavage, dans la paresse et dans une oisiveté perpétuelle. Saint Paul nous donne cet avertissement : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! Or nous entendons dire qu’il y en a parmi vous qui vivent dans l’oisiveté, affairés sans rien faire » (2 Th 3,10-11). Pourtant, un vieux proverbe dit que « l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Nous ne devons donc pas continuer à vivre en parasites, c’est-à-dire toujours dépendants des autres. En effet, comment faire confiance à celui qui n’engage rien dans les projets qu’il propose ou qu’il exécute ? Comment être crédible si nous ne faisons rien de nous-mêmes et si nous n’exécutons que les projets des autres ? C’est pourquoi, nous devons travailler inlassablement pour sortir de la situation de mendicité à outrance. Le Seigneur béni celui « qui se nourrit du labeur de ses mains ; à lui le bonheur ! » (Ps 127).
L’auto-prise en charge est ce qui nous rend capables de poser des actes toujours plus grands, des actes religieux, c’est-à-dire l’aumône, l’un des trois piliers de l’exercice du temps de carême (le jeûne, la prière et l’aumône). En nous prenant en charge nous-mêmes, nous manifestons concrètement que nous sommes parvenus à un âge adulte, qui permet de penser aux autres. A cet effet, l’Apôtre Paul exhorte : « Ne vous lassez pas de faire le bien » (1Th 3,13). Il s’agit là de rechercher ce qui est utile aux autres, c’est-à-dire aux frères en humanité. « La Parole de Dieu enseigne que, dans le frère, on trouve le prolongement permanent de l’Incarnation pour chacun de nous : ''dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait'' (Mt 25,40). » (Pape François, Evangile de la Joie, n° 179). Il s’agit ainsi de s’approcher, avec tendresse et compassion, des frères et des sœurs qui souffrent. En effet, « si le mal est contagieux, le bien l’est aussi. Par conséquent, il faut que le bien abonde en nous toujours plus. Laissons-nous contaminer par le bien et "contaminons" avec le bien. » (Pape François, Angelus du 15 février 2015). Nous n’avons pas l’habitude de regarder le carême sous cet angle, pourtant nous touchons ici à la dimension qui exprime à la fois notre charité pour les pauvres et notre sens du partage que l’Evangile appelle l’aumône.
Nous pourrions croire que l’aumône est seulement une question de générosité envers les nécessiteux, mais elle est d’abord la guerre contre un attachement excessif au bien matériel, en particulier à l’argent. Elle est ensuite l’expression concrète de l’amour que nous portons à ceux que nous aimons comme nous-mêmes. Elle est le geste concret de l’amour que nous accomplissons envers le prochain, particulièrement les pauvres et tous ceux qui sont dans le besoin. Elle est le geste concret qui se fait en secret et qui n’exclut personne. Elle est une imitation du Bon Samaritain, qui a aidé un inconnu rencontré par hasard sur sa route (cf. Lc 10,31).
L’aumône attire notre regard sur le droit et la justice que nous devons accorder aux plus défavorisés. L’aumône peut être une injure si elle nous conduit à priver les autres de leurs droits. C’est bien cela que le prophète Isaïe rappelle quand il nous parle du jeûne : « Vous jeûnez tout en cherchant querelle et dispute et en frappant du poing méchamment ! Vous ne jeûnez pas comme il convient en un jour où vous voulez faire entendre là-haut votre voix. Doit-il être comme cela, le jeûne que je préfère, le jour où l’homme s’humilie ? […] Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs ! N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ? Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras : devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas. » (Is 58,4-7).
Nous ne pouvons pas en même temps ouvrir nos mains pour donner et fermer nos yeux sur les injustices faites aux autres. Surtout si ces injustices viennent de nous-mêmes, ou encore, si elles sont causées dans les lieux où nous exerçons un pouvoir malhonnête qui appauvrit nos frères et les prive de leurs droits.
L’aumône nous invite donc à porter notre réflexion sur les structures de corruption que nous ne dénonçons plus, ou que nous justifions en dominant nos frères et nos sœurs. Certains droits que nous nous attribuons souvent constituent des formes d’injustice qui doivent être combattus par tous les croyants.
C’est ici que l’aumône nous ouvre le chemin au profond désir de conversion, de changement de nos cœurs, de changement de mentalité pour revenir vers Dieu que nous oublions bien souvent et pour nous ouvrir aux autres. C’est ici aussi le lieu où nous devons entendre de nouveau l’appel de Dieu qui demande aux pécheurs de déchirer leurs cœurs et non pas leurs vêtements (cf. Joël 2,13).
Rappelons enfin que le but de l’auto-prise en charge consiste à travailler beaucoup pour éviter d’être pris totalement et perpétuellement en charge par d’autres. Et ce processus doit nous conduire à partager avec les autres, en particulier avec ceux qui pleurent à notre porte. Ce chemin de l’auto-prise en charge doit aussi nous permettre de parvenir à une honnêteté et une transparence plus grandes. En nous y engageant, nous arriverons à gérer le bien personnel avec « sagesse, et le bien commun avec amour.
II - La Vie Consacrée.
Le temps de carême 2015 est également l’opportunité pour célébrer la Vie Consacrée, y réfléchir et s’y engager résolument en cette année dédiée à cet effet. En fait, se décider à se convertir, c’est rejoindre le Seigneur Jésus dans son attachement au Père. Et cet attachement de Jésus à son Père n’a peur ni de la pauvreté, ni de l’obéissance, ni de l’amour exclusif de Dieu et des hommes.
Comment ne pas nous laisser interpeller spécialement cette année par ceux et celles qui consacrent leur vie entièrement au Christ et à l’Eglise ? Nous n’avons pas tous cette vocation, mais Dieu nous accorde quand même de quitter nos certitudes humaines pour nous appuyer sur Lui, le vrai Rocher, le Bon Pasteur. « Les personnes consacrées sont un signe de Dieu dans les différents domaines de la vie, elles sont ferment de croissance d'une société plus juste et plus fraternelle, elles sont prophétie de partage avec les pauvres et les petits. Ainsi comprise et vécue, la vie consacrée nous apparaît sous son jour véritable: un don de Dieu, un don de Dieu à l’Église, un don de Dieu à son peuple. » (Pape François, Angelius du 02 février 2014).
Dans sa lettre apostolique du 21 novembre 2014, le Pape François indique trois priorités pour la réalisation de la vocation d’un religieux et d’une religieuse. Je relève ici une de ces priorités qui consiste à "vivre le présent avec passion". Pour réaliser celle-ci, le Pape invite les personnes consacrées à vivre pleinement l’Evangile dans un esprit de communion. Il s’agit donc pour elles d’être aujourd’hui des témoins intrépides de l’amour fraternel, de la solidarité et du partage. Autrement dit, les communautés religieuses doivent être aujourd’hui des témoins de "la logique évangélique du don, de la fraternité, de la diversité et de l’amour réciproque". D’où cette exhortation du Pape François à leur intention : « Soyez donc des hommes et des femmes de communion, rendez-vous présents avec courage là où il y a des disparités et des tensions, soyez signe crédible de la présence de l’Esprit qui infuse dans les cœurs la passion pour que tous soient un (cf. Jn 17,21).» Prions particulièrement pendant ce carême, pour la paix, l’unité et la communion dans nos communautés religieuses.
III - La famille.
Il y a une autre attention particulière qui nous est proposée au cours de cette année pastorale : c’est l’effort à fournir en vue de poursuivre la formation de nos familles chrétiennes. L’attachement du Christ à son Père nous renvoie à une dimension de la vie familiale qui est l’objet de mes inquiétudes et que le prophète Malachie exprime en ces termes : "Dieu ramènera le cœur des pères vers les fils et le cœur des fils vers les pères" (Ml 3, 23-24).
Il s’agit de trouver des chemins pour un équilibre harmonieux et durable dans les familles. Ce qui suppose que chaque famille chrétienne se considère réellement comme le berceau de la première cellule de foi qui vit dans l’amour, et qui est soutenue par la Parole de Dieu et par les Sacrements. Prions spécialement cette année pour la paix et l’unité dans les familles chrétiennes.
Ce souci des familles, qui nous préoccupe tous, fera l’objet du prochain Synode des Evêques que nous sommes en train de préparer. Le Pape François a d’ailleurs dédié ses catéchèses hebdomadaires, ces dernières semaines, à ce sujet d’actualité. C’est pourquoi, parmi les efforts de carême, je demande d’accorder cette année une attention spéciale aux familles. A cet effet, il serait bon de parcourir, pendant les séances de formation en paroisse, ce que dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique dans le chapitre consacré au quatrième  commandement de Dieu (CEC, nn. 2197-2233).
Ce commandement invite en premier lieu à honorer les parents et à leur porter un grand respect. Dans sa catéchèse du 28 janvier 2015, le Pape François a demandé aux chrétiens d’être "plus attentifs" à "l’absence de la figure paternelle dans la vie des petits et des jeunes". Parce que, selon le Saint Père, cette absence crée "des lacunes et des blessures qui peuvent être très graves". « Les déviances des enfants et des adolescents, poursuit le Pape François, peuvent en bonne partie être dues à ce manque, à cette carence d’exemples et de guides dans leur vie de tous les jours, au manque de proximité, au manque d’amour de la part des parents [...] Parfois, il semble que les papas ne savent pas bien quelle place occuper dans la famille […] Alors, dans le doute, ils s’abstiennent, il se retirent et négligent leurs responsabilités, en se réfugiant dans une improbable relation "d’égalité" avec leurs enfant ».
Nous devons tous travailler cette année pour soutenir les tout-petits et les jeunes dans leur croissance spirituelle. C’est pourquoi, pendant ce carême 2015, j’invite les pères et mères de famille à faire plus d’effort pour la prière en famille au tour de la Parole de Dieu. Aussi, j’encourage les parents à soutenir les activités de l’éveil à la foi des tout-petits et à faire la Lectio Divina avec les jeunes.
Je souhaite aussi que des efforts soient poursuivis en vue de qualifier notre participation aux célébrations liturgiques, spécialement celle de l’eucharistie. Avant de nous mettre en route pour le lieu de la célébration eucharistique, nous devons toujours penser à ces paroles de Jésus : « Quand…tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande » (Mt 5,23-24). En effet, il faut se préparer personnellement, en examinant sa vie antérieure. Parce que, « on ne peut attendre une participation active à la liturgie eucharistique si l’on s’en approche de manière superficielle, sans s’interroger auparavant sur sa propre vie… Un cœur réconcilié avec Dieu permet la vraie participation. » (Sacramentum Caritatis, n°55).
IV - Entrons avec Jésus dans le temps du carême
Chers frères et sœurs, en commençant notre marche du carême, prenons de nouveau conscience que Jésus n’exclut aucune personne ni aucun peuple de son amitié. Il accueille les hommes et les femmes de toutes conditions. A ceux qui trouvaient scandaleux le fait de rencontrer dans sa compagnie des publicains et des pécheurs, il a répondu : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. » (Mc 2,17).
Aujourd’hui, prenons la ferme résolution d’entrer spirituellement avec Jésus dans le désert du carême pour nous préparer à la célébration de Pâques. Au cours de cette marche, sachons que nous aurons des tentations de toutes sortes qui doivent être surmontées. Ne perdons donc pas notre confiance dans le Seigneur au point d’arriver à nous détourner de Lui. Mais apprenons chaque jour à écouter sa voix, qui nous invite toujours à être un peuple saint. Sachons également que, comme aimait le répéter Saint Jean de la Croix, nous serons jugés sur l’amour, non pas l’amour abstrait, mais l’amour concret, qui se reconnait dans les actes (cf Mt 25,31-40).
Avançons donc chaque jour vers Dieu, comme Jésus nous y invite. C’est bien ce que le Pape Benoît XVI nous dit dans ce passage de son homélie du 5 février 2006 : « Le centre de son annonce est le Royaume de Dieu, c’est-à-dire Dieu comme source et centre de notre vie, et il nous dit : Dieu seul est la rédemption de l’homme. Et nous pouvons voir, au cours de l’histoire du siècle dernier, que les Etats où Dieu était aboli, non seulement l’économie a été détruite, mais surtout les âmes. Les destructions morales, les destructions de la dignité de l’homme sont les destructions fondamentales, et le renouveau ne peut venir que du retour à Dieu, c’est-à-dire de la reconnaissance du caractère central de Dieu. »
Chers frères et sœurs, durant ce temps précieux de carême, « ne vous lassez pas de faire le bien » (1Th 3,13). « Alors nous aurons un cœur fort et miséricordieux, vigilant et généreux, qui ne se laisse pas enfermer en lui-même et qui ne tombe pas dans le vertige de la mondialisation de l’indifférence. » (Pape François, Message de Carême 2015). Avec ce souhait, je prie pour vous et avec vous, afin que, par nos efforts intenses de conversion, à travers le jeûne, la prière et l’aumône, nous parvenions, libérés du péché et de la mort, aux saintes joies du matin de Pâques 2015.
Que Marie, Notre Dame de Guinée, nous accompagne sur ce chemin du renouveau. Amen !

JOYEUSE MONTEE VERS PAQUES A TOUTES ET A TOUS !

Conakry, le 17 février 2015


+ Vincent COULIBALY
Archevêque de Conakry

 
 
Retourner au contenu | Retourner au menu